Dans un contexte de transformation numérique accélérée, les acteurs du ferroviaire font face à un double impératif : concevoir des infrastructures complexes tout en garantissant leur durabilité, leur sécurité et leur rentabilité. La réponse à ces enjeux réside en grande partie dans une exploitation rigoureuse et intelligente des jeux de données dès les premières phases de construction d’un réseau ferroviaire. Que ce soit pour modéliser, planifier, coordonner ou anticiper, les données patrimoniales, les outils de business intelligence ou encore les environnements BIM deviennent des piliers incontournables. En France, où les projets ferroviaires sont souvent colossaux et stratégiques, cette démarche s’inscrit dans une logique de data factory nationale, structurée et collaborative.
La production de données comme socle de conception
Le démarrage d’un projet ferroviaire moderne repose sur la collecte, la structuration et la valorisation d’un vaste patrimoine de données. Cela inclut les données géospatiales, topographiques, cadastrales, environnementales et celles issues des infrastructures existantes. Ces éléments permettent de générer un jumeau numérique du territoire, indispensable pour simuler les impacts, optimiser les tracés et anticiper les interfaces avec les ouvrages existants.
Le niveau de détail requis est tel que la qualité des sources et la traçabilité des données patrimoniales ferroviaires deviennent des critères critiques. L’enjeu est double : faciliter la conception technique tout en anticipant les futurs besoins de maintenance et d’exploitation du réseau.
De plus, la production de données en amont conditionne l’efficacité des phases suivantes du projet. Les données doivent être standardisées (ex. : formats IFC ou GML), interopérables entre les systèmes d’information (SIG, BIM, GMAO) et enrichies dynamiquement selon les évolutions du chantier. Cela nécessite une gouvernance rigoureuse de la donnée, adossée à des référentiels métiers et à des procédures d’actualisation continue.
Le BIM et les jumeaux numériques au service de la construction
L’intégration du Building Information Modeling (BIM) dans la phase de construction d’un réseau ferroviaire est devenue incontournable. Elle permet d’agréger des jeux de données hétérogènes (génie civil, équipements ferroviaires, signalisation, environnement, etc.) dans une maquette numérique centralisée, exploitée par l’ensemble des parties prenantes : maîtres d’ouvrage, bureaux d’études, entreprises de travaux, exploitants.
Cette maquette BIM devient le référentiel unique de l’actif ferroviaire en construction, servant à la fois à la coordination des corps d’état, à la planification des interventions, au suivi des non-conformités et à la simulation des performances du réseau. L’enjeu est d’optimiser le cycle de vie du projet grâce à une modélisation intelligente du patrimoine de données, directement connectée aux réalités du terrain.
En France, les grands projets d’infrastructure intègrent désormais des plateformes collaboratives BIM, interfacées avec des outils de business intelligence pour piloter les indicateurs de performance, les budgets, les délais et les risques. Ces plateformes capitalisent sur les jeux de données en temps réel, issus du terrain (via IoT, photogrammétrie, Lidar, etc.) et alimentent une base vivante de l’actif ferroviaire en construction.
Business Intelligence et pilotage des chantiers ferroviaires
L’exploitation des jeux de données via des solutions de business intelligence (BI) transforme la manière de piloter les chantiers ferroviaires. Grâce aux tableaux de bord, rapports dynamiques et analyses prédictives, les maîtres d’ouvrage et entreprises générales disposent d’une vision consolidée de l’avancement, des écarts, des anomalies et des leviers d’optimisation.
L’intégration de données issues des systèmes de gestion de projet, de la supply chain, du suivi terrain ou de la gestion documentaire permet de créer une vision holistique et temps réel du projet. Ce pilotage data-driven est essentiel pour sécuriser les jalons critiques, arbitrer les priorités et maîtriser les coûts.
En France, certains projets expérimentent même l’usage de l’IA appliquée aux données patrimoniales ferroviaires pour détecter automatiquement les zones de surcoût ou de dérive temporelle. Ces outils s’appuient sur des historiques de projets similaires pour affiner la planification et éviter les répétitions d’erreurs.
La valorisation des données permet également de nourrir des indicateurs RSE, en mesurant l’empreinte environnementale du chantier ou l’impact des choix techniques sur la biodiversité locale. Les jeux de données deviennent ainsi un levier stratégique pour concilier performance et responsabilité sociétale.
Anticiper la vie future de l’actif grâce aux données patrimoniales
L’une des forces majeures de l’exploitation des jeux de données en phase de construction réside dans leur capacité à préfigurer la gestion future de l’actif ferroviaire. En structurant les données dès la construction, les exploitants disposeront à terme d’un référentiel complet, fiable et exploitable pour la maintenance, l’exploitation et la transformation du réseau.
Cela suppose une rigueur documentaire dès le départ : fiches équipements, nomenclatures, données techniques, cycles de vie, historiques d’intervention, etc. Tous ces éléments sont intégrés dans des bases de données interconnectées aux outils de gestion de la maintenance assistée par ordinateur (GMAO) ou de gestion des interventions.
Ce patrimoine de données devient un capital stratégique, qui évite les ruptures d’information entre les phases travaux et exploitation, souvent source de surcoûts ou d’erreurs. Il permet aussi d’anticiper les opérations de renouvellement, d’intégrer les données aux systèmes de gestion des risques ou encore de nourrir les futurs projets de transformation (ex : électrification, doublement de voie, ajout de signalisation numérique).
En ce sens, les jeux de données structurés, normalisés et enrichis deviennent la véritable mémoire de l’actif ferroviaire, et un facteur clé de la performance globale du système ferroviaire français à long terme.